Les maisons

Ce sont les grandes maisons de négoce qui ont fait la renommée du Champagne à travers le monde qu'elles soient ou non propriétaires de vignes. A chacune d'elles est associé un goût maison qui est reproduit d'année en année par le truchement des assemblages de différents crus (jusqu'à une cinquantaine pour un Brut non millésimé). C'est ce goût qu'aime retrouver la clientèle fidélisée par la marque. Celle-ci ne s'achète pas simplement un Champagne mais se choisit un Moët & Chandon, un Mumm, une Demoiselle, un Veuve Clicquot...

Ils sont nombreux et le plus souvent méconnus tous ces vignerons qui cultivent leurs vignes, élaborent leurs cuvées et les commercialisent eux-mêmes.

La règle veut qu'ils ne peuvent manipuler que les vins de leurs propres récoltes à l'exclusion de tout achat de raisin extérieur. La situation serait confortable pour celui qui, situé dans un Grand Cru, proposerait son Champagne comme tel. Elle l'est beaucoup moins pour la plupart des autres qui, au moment de la composition de la cuvée, sont limités à leurs seules propriétés sans aucune possibilité de correctifs par l'usage d'autres crus.

N'empêche qu'il existe nombre d'excellents Champagnes produits par ces récoltants-manipulants chez lesquels il ne faut toutefois pas espérer retrouver un «goût maison» au fil des millésimes.

Chaque marque a sa personnalité, elle l'affirme en faisant entrer dans ses cuvées des «vins de réserve» provenant de récoltes précédentes, de grande qualité. Cette addition assure à la fois l'homogénéité de la production et une certaine continuité de saveur, à laquelle le connaisseur reste sensible.

Par essence, le Brut est le Champagne type de chaque maison, celui qui exige du maître de chais la pleine possession de son art pour maintenir au fil des ans un goût identique alors que les vendanges se suivent et ne se ressemblent jamais.

C'est reconnu que le «Brut Sans Année» est le cheval de bataille pour juger la qualité d'une maison de Champagne. L'on ne peut pas nier que les cuvées spéciale, les cuvées de luxe ou encore les «cuvées de prestige» doivent être vues comme l'absolu et que de ce fait ils se retrouvent comme drapeau de la maison de Champagne. Une telle cuvée de prestige contient quasi uniquement des vins de grand cru ou classé 100%, de préférence originaire de ses propres vignobles et ne sont élaboré que dans les bonnes années, ou créé avec des aussi grands vins de réserve.

Entre-temps, chaque maison de Champagne qui se respecte, à sa propre cuvée de prestige, et certainement après les «golden sixties».

Beaucoup de ces cuvées sont encore obtenues selon une méthode traditionnelle, dans certains cas avec un procédé de maturation en fût, reçoivent un bouchon de liège avec «agrafe» pour la fermentation en bouteille et sont dégorgées «à la volée».

I. Albert Le Brun

Les vins issus des meilleurs crus (10% de Chardonnay, Pinot Noir et Pinot Meunier en proportions égales) y
sont mariés dans d'harmonieuses proportions et vieillissent dans un dédale impressionnant de plusieurs
kilomètres de galerie taillées, dans la craie, sous le Premier Empire et la Restauration. A Chalons, on ne
descend pas dans les caves, on y entre tout simplement car elles sont de plein pied, creusées horizontalement
dans la falaise.

A. Historique

Fondée en 1860 par Léon Le Brun, (on retrouve trace de la famille Le Brun en Champagne depuis 1630), après cent trois ans d'activité à Avize, la maison se transporte en 1975 à Chalons en Champagne, au coeur même de la Côte des Blancs, fleuron du vignoble champenois. Dans un cadre dont l'harmonie a été conservée, successivement, par Albert, Georges et François Le Brun depuis plus de 135 ans, la maison Albert Le Brun, poursuit son évolution.

II. Charles Heidsieck

A la suite de son apprentissage dans la maison de Champagne de son oncle, Charles Heidsieck créé la marque «Charles Heidsieck» avec son beau-frère en 1851. Adepte de la qualité à tout prix, il fait de sa maison un nom prestigieux et exporte même son Champagne avec succès aux Etats-Unis.

Si Charles Heidsieck porte une attention particulière au vieillissement de ses Champagnes même non millésimés, cela implique bien-sûr que la maison dispose d'une grande capacité de stockage. En effet, à près de 20 mètres de profondeur, s'étendent des caves de craie remontant à plus de 2.000 ans. Ce ne sont donc pas moins de 47 salles, reliées par une galeries, qui sont le berceau confidentiel de l'épanouissement des Champagnes Charles Heidsieck, à l'abri des visiteurs et de la lumière.

A. Historique

Que de péripéties dans la vie de cette maison fondée en 1785 par Florens-Louis Heidsieck dont les héritiers, plutôt que s'unir, fonderont qui Heidsieck Monopole, qui Piper-Heidsieck, laissant la marque originelle au troisième neveu du fondateur : Charles-Henri Heidsieck. Il arrivait en 1805 et devait ultérieurement voyager considérablement pour la firme, particulièrement en Russie, où lui et son cheval blanc devenait presque légendaire. Charles-Henri mourut relativement jeune, mais passait évidemment quelque chose de sa passion pour le vin et le voyage à son fils, Charles-Camille, qui, après quelques années probatoires chez Piper-Heidsieck, commençait sa propre firme de Champagne en 1851.

Pionnier du Champagne aux Etats-Unis, il s'y imposa tout autant par la qualité de sa gâchette dans la chasse aux bisons. Baptisé Champagne Charlie, il y deviendra célèbre au point d'y vendre 300.000 bouteilles par an ce qui lui imposait d'avoir un agent sur place. Indélicat, celui-ci leva le pied avec la caisse et Charlie, voulant récupérer son bien, tomba en pleine guerre de Sécession et connut les geôles du général Butler. Il faudra les interventions de Napoléon III et d'Abraham Lincoln pour qu'il retrouve la liberté. Son argent, il le retrouvera bien plus tard, le jour où, rongé par le remord, le frère de son agent ayant hérité de ce dernier lui fera don d'un tiers de la ville de Denver. La vie peut donc reprendre pour la maison rémoise mais les vaches grasses ne succèdent pas aux maigres. Pour qu'un renouveau se manifeste, il faudra attendre sa reprise en 1985 par le sourire aux lèvres et la flûte envoûtante, s'efforçant d'effacer des années peu glorieuses.

B. Quelques bouteilles rares

Charles Heidsieck, qui sélectionne des raisins dans toute la Champagne, vinifie chaque cru séparément pour lui permettre de s'épanouir pleinement. La maison, jugeant également que le vieillissement des Champagnes détermine grandement leurs qualités aromatiques, a décidé d'indiquer sur les bouteilles de ses Brut Réserve l'année de mise en cave. Cela permet ainsi d'apprécier les subtiles variations visuelles, olfactives et gustatives.

1. Brut Réserve

Pour donner la possibilité de ce faire une idée de l'évolution de la qualité du «Brut Réserve» (non millésimé), Daniël Thibault, maître de chai, eut l'idée de mettre sur chaque bouteille la durée de maturation (l'année de mise en cave) et la période de dégorgement. Pour le Champagne cette une première ! De ce fait on peut dès maintenant déguster un Champagne de même assemblage (et 40% de vin de réserve) avec une maturité de 3, 4 ou 5 ans. L'assemblage des année est le seul paramètre qui fait la différence entre les «mises en cave».

2. Brut Charlie

Ce Brut Charlie, mis en cave en 1990, rend hommage à l'audacieux fondateur de la maison, surnommé à l'époque «Champagne Charlie».